Est-il possible de s’initier à n’importe quel domaine en 20H ?

Ce matin, je suis tombé sur un TEDx de Josh Kauf­man qui traite du sujet de l’apprentissage.La thèse qu’il défend va à l’en­con­tre de ce qui est habituelle­ment dit sur le sujet, c’est à dire qu’il faut env­i­ron 10.000H pour acquérir une exper­tise (soit un peu plus de 5 ans dans le cadre d’un tra­vail à temps plein, à ne faire que ça). Alors, oui et non, il ne dit pas que c’est faux, il dit que l’on a ten­dance à con­fon­dre aujour­d’hui appren­dre un sujet, un domaine, et en devenir expert. Pour lui, l’essen­tiel se fait en 20H ! Quel que soit le sujet…

Pour étay­er son pro­pos, cela, il utilise un graphique qui mon­tre que l’ef­fi­cac­ité de  l’ap­pren­tis­sage dimin­ue avec le temps de pra­tique. En d’autres mots, on apprend énor­mé­ment de choses au début, mais au bout d’un moment, on atteint un niveau tel que tout pro­gres­sion prend un temps beau­coup plus important.

De fait, le fos­sé qui sépare quelqu’un qui 1 an de pra­tique d’un novice est bien plus impor­tant que celui qui l’en sépare du plus expéri­men­té qui a 2 ans de pra­tique. C’est un détail impor­tant. Je vous laisse décou­vrir ce TEDx et on en repar­le après.

Après le coup du Yukulélé, je dois vous avouer que pen­dant 5 min­utes, je me suis dit: “et oui c’est évi­dent”. Puis, les pre­miers doutes sont arrivés… Qu’en­tend t‑il par appren­dre … acquérir une cer­taine maitrise… ok, mais est-ce quan­tifi­able ? Si j’apprends à jouer au domi­no, n’est-ce pas fort dif­férent que d’ap­pren­dre la mécanique des flu­ides ? D’ailleurs, je sais par expéri­ence qu’il y a des domaines où l’on ne peut pas aller sans être sévère­ment armé — ou alors, on s’y casse les dents. Un ami me dit “moi, j’ai pra­tiqué 10H le sué­dois, et je pense avoir fait la moitié du chemin”… oui, mais de quoi ? Et m’au­rait-il dit la même chose avec du Japon­ais ou du Klingon ?

Et si on admet que tous les sujets se valent — ce dont je doute fort — qu’en est-il de la manière d’ap­pren­dre de cha­cun ? Util­isons-nous tous la même approche ? Je me sou­viens que quand j’é­tais encore à l’é­cole (il y a bien longtemps), je me con­sid­érais comme un esprit lent — c’é­tait une erreur de juge­ment. Quand on abor­dait un nou­veau sujet, j’avais plus de mal que la moyenne des élèves… Et pour­tant, quelques semaines ou quelques mois après, j’é­tais sou­vent dans le trio de tête coté com­préhen­sion. Pourquoi ? Je n’é­tais pas par­ti­c­ulière­ment besogneux… mais tout est lié au fait que je n’ap­prends pas comme la plu­part des gens. En général, les gens vont “droit au but”, ils apprenne de façon “linéaire” un sujet, et ne s’oc­cupe pas de ce qui est périphérique — en tous cas, pas dans un pre­mier temps. C’est comme appren­dre unique­ment ce qui est en LETTRES CAPITALES dans un cours, en igno­rant le reste. Je crois que l’évo­lu­tion a priv­ilégié cette approche: plus rapi­de, plus effi­cace… pour la survie, la repro­duc­tion, etc.  Per­son­nelle­ment, j’ai beau­coup de mal à appren­dre séquen­tielle­ment, sans tout savoir de ce qui précède… J’ai besoin d’un appren­tis­sage en largeur, d’ac­quérir toutes les con­nais­sances périphériques. Sinon, je bloque.. Alors, ça m’a joué plusieurs fois des tours, j’ai donc appris à faire avec. Je me suis aus­si ren­du compte qu’en réal­ité j’ap­pre­nais beau­coup plus vite que la moyenne… Par exem­ple, en licence de maths, j’ai suivi les 3 pre­mières semaines de cours… puis en fin d’an­née, j’ai passé 15 jours à bûch­er le tout, tout en ren­dant un mémoire… Il ne me fal­lait pas plus pour acquérir les “choses à savoir”… Mais c’é­tait loin d’être sat­is­faisant pour moi, car j’avais l’im­pres­sion de n’avoir rien appris. Pour­tant, j’ai eu ma licence et avec men­tion… Ce qui aurait ten­dance à accréditer la thèse dévelop­pée dans cette vidéo au final.  Bon, un peu plus de 20H, mais au moins 10 matières 😉

Je voulais aus­si vous par­ler de la con­fu­sion men­tale… c’est le nom que je lui donne — il y a peut-être une appel­la­tion sci­en­tifique. Je pense que cha­cun l’ex­péri­mente lors de la décou­verte d’un nou­veau sujet — avec un min­i­mum de com­plex­ité bien enten­du. Au début, notre cerveau est une éponge… il se rem­plit de con­nais­sances, mais a du mal à réalis­er les dif­férents liens entre les infor­ma­tions. Il apprend de façon kaléi­do­scopique… Les infos sem­blent épars­es, le sujet sem­ble plus com­plexe qu’il ne l’est. Et il arrive un moment où la ten­dance s’in­verse… et là, tout devient plus clair, les choses se lient entre elles, et ce qui sem­blait con­fus devient évi­dent. C’est aus­si à met­tre dans la courbe d’ap­pren­tis­sage. Et je peux vous cer­ti­fi­er qu’il y a de nom­breux domaines où il m’a fal­lu plus de 20H — et même bien plus — pour sor­tir de ce brouil­lard de don­nées. Après, c’est vrai que ça va beau­coup plus vite.

Bref, je doute que chaque sujet en vaut un autre, je doute que cha­cun a la même façon d’ap­pren­dre, la même forme de courbe d’ap­pren­tis­sage.. En bref, je crois que l’u­nique intérêt de cette vidéo c’est de ras­sur­er les gens pour qu’ils ne bais­sent pas les bras devant cer­tains domaines qui sem­blent inac­ces­si­bles. Se dire qu’il faut 10.000H pour appren­dre un sujet, c’est fou  et c’est faux en effet. Se dire qu’il faut 10.000H pour devenir un expert peut aus­si en décourager cer­tains, pour­tant, cela ne doit pas être loin de la vérité, même si cela dépend grande­ment d’un domaine à un autre à mon avis. Bref, c’est vrai que la peur de ne pas être à la hau­teur, les émo­tions, et même se sen­ti­ment de con­fu­sion, ce n’est pas engageant. Et cette peur est un frein à l’ap­pren­tis­sage. On s’at­tache trop à l’ob­jec­tif, et pas assez au chemin qui est encore plus intéres­sant. Non, l’idée est excel­lente: se don­ner 20H pour explor­er un domaine, ne faire que ça… même 45 min­utes par jour pen­dant 1 mois. Cela peut don­ner l’en­vie d’aller au-delà, ou per­me­t­tre déjà d’ac­quérir les bases néces­saires pour s’y intéress­er plus tard, en dis­cuter avec d’autres… pren­dre des déci­sions. On ne s’ac­corde pas assez de temps pour appren­dre de nou­velles choses, surtout quand cela sort du cadre pro­fes­sion­nel. Alors qu’ap­pren­dre est peut-être l’ac­tiv­ité la plus grat­i­fi­ante, autoélique, que l’on peut pra­ti­quer.  Pour con­tin­uer à réfléchir à tout cela, je vous con­seille cet arti­cle sur l’é­conomie de la con­nais­sance si vous ne l’avez pas encore lu.

Laisser un commentaire Annuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.