On nous dit souvent que l’abandon est une erreur, qu’il faut s’armer de patience, de courage, “Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage”. Mais derrière le message “motivation” et pensée positive, n’y a t‑il pas des cas où l’abandon devient une option intelligente, un choix stratégique… une forme de repli pour mieux attaquer de nouveau, mais différemment ?
Dans le livre, Seth nous dit que si le progrès est stationnaire et que les efforts n’amènent pas de résultat, la situation est sans doute sans issue. Il faut savoir la reconnaître et en sortir très vite, au lieu de gaspiller ses efforts et ses ressources. Seth Godin parle aussi d’un autre type de situation dite « de falaise » où il est impossible de s’arrêter, car tout parait simple, mais dont l’issue est fatale (tomber dans la falaise). C’est un autre cas de figure où il faut savoir s’arrêter. Le secret du succès se trouve dans le « Défi Impossible ou Possible (DIP) » et sur la manière de le relever. Si le livre vous intéresse, vous trouverez un résumé à cette adresse.
Bon la suite est une réflexion personnelle qui n’a rien à voir avec le livre. Imaginez que vous soyez vraiment nul en dessin et que vous souhaitiez faire une BD. Vous n’avez peut-être même pas conscience de votre niveau, et en plus, vous vous dites que certaines BD sont assez moches, mais plaisent quand même. Alors, vous vous lancez. Et puis, aucun éditeur ne vous accepte… alors vous lancez une campagne de crowdfunding… et là, pareil, les gens n’accrochent pas. Au bout de 2 ans, en autofinancement, vous avez plusieurs planches, mais pas de client. Que faire ? Continuer, s’entêter ou arrêter ? Il y a des gens qui connaissent un succès rapide, fulgurant… et qui tombent ensuite dans l’oubli faute de réel talent. Parfois, la chance y était pour beaucoup. Et puis, il y en a d’autres qui connaissent le succès tardivement.… cela me fait penser à l’auteur de Naruto…
Mais bien souvent, ceux qui mettent du temps à être connus, savent qu’ils ont un talent. Ils améliorent leur technique, leur communication et font des “tentatives” en participant à des concours, en présentant leur œuvre lors d’expositions ou de salons… ils font des efforts pour améliorer “leur référencement” en quelque sorte. Albert Einstein disait qu’un fou, c’est quelqu’un qui reproduit quelque chose continuellement, sans rien changer, mais en espérant un résultat différent.
Alors comment déterminer si on a du talent, que ça vaut la peine de continuer ? Je crois qu’il est nécessaire de garder en tête qu’il faut être le meilleur de son domaine… mais attention, je ne parle par de domaine au sens large, mais bien d’un créneau spécifique. Tout dépend de la taille du marché bien entendu. Si vous être le meilleur historien de la “période 1712 à 1713 concernant la migration des inuits”… c’est très bien, mais pourrez-vous en vivre ? Monde globalisé, dit aussi marché global. Il y a de la place pour un tas de gens en réalité. Les consommateurs ont de plus en plus des gouts “spécifiques” et sont à la recherche de nouveauté. Si on est le meilleur dans son domaine, même réduit, alors, quand quelqu’un cherchera une info, un produit ou une prestation sur votre compétence particulière, il tombera sur vous. Et pas sur le gars qui est classé 41ième de la liste des experts sur le sujet.
Mais, aujourd’hui, être le meilleur passe aussi par la maitrise de sa communication avec le monde. Si vous n’avez pas de site internet, pas de chaine YouTube, que vous n’avez pas écrit de livre, et que vous n’êtes référencé nulle part… déjà, comment savez-vous que vous êtes le meilleur ? Morpheus a dit à Néo : “on n’est pas le meilleur quand on le croit, mais quand on le sait”. Cela signifie qu’il faut accepter les défis, le fait de se confronter à la concurrence… il faut que le public soit en mesure de comparer vos travaux avec ceux de vos concurrents. Et pour cela, il faut communiquer.
Cela nous amène à une question importante: qui est le meilleur, celui qui plait au plus grand nombre, celui qui gagne le plus d’argent ou celui qui a la meilleure maitrise de son domaine ? Vaste question. Cela revient à l’exemple qu’on a donné plus haut: on peut connaitre un succès fulgurant, mais pour “durer”, il faut avoir plus qu’une belle gueule dans la chanson (référence à Johnny Halliday dont la réussite n’est plus à prouver). La question qui fait mal, c’est: “sans talent, mais avec beaucoup de persévérance, le fait de durer n’est-il pas déjà une forme de réussite” ?
Quand un secteur devient difficile, ceux qui arrivent à résister tirent bien souvent leur épingle du jeu. Imaginez que vous soyez un coureur moyen… mais ce jour là, il fait très chaud e,t tour à tour, les meilleurs abandonnent… Si vous êtes résilient, alors peut-être ferez vous partie du trio de tête cette fois-ci. Et puis, certains jetteront peut-être l’éponge coté carrière… Vous voyez où je veux en venir.
Sur un champ de Bataille, les plans sont souvent à mettre à la corbeille. Les généraux le savent bien. Il faut réagir vite, faire preuve d’intelligence, être capable de bâtir une stratégie en fonction de la réaction de l’adversaire. Et le temps est un élément déterminant. Se replier permet parfois d’attaquer sur une ligne de défense moins fortifiée. Mais quelques fois, on perd la confiance de ses hommes et on encourage l’ennemi. Quelques fois, le repli coûte cher également. La réussite, on l’obtient parfois après une succession d’échecs… Cela me fait penser à cette scène effroyable de World War Z où Jerusalem est entourée d’une enceinte gigantesque avec des tours de garde qui tirent sur les zombies environnants… Aucune chance qu’un jour ils puissent franchir l’enceinte ? En fait, les morts s’accumulent et forment un promontoire pour les suivants. Au bout d’un moment, ce promontoire fait la hauteur du mur, et ils finissent par entrer dans Jerusalem… C’est parfois ça la réussite.… ça parait impossible, mais à force d’essais… en apprenant de ses échecs, on gravit parfois les plus hauts sommets.
En trading boursier, on apprend à “couper rapidement ses pertes”. Le marché a toujours raison. Si on sait admettre rapidement qu’on est dans l’erreur, alors on pourra se rattraper sur un autre coup. Mais une fois qu’on a coupé ses pertes, on a perdu de l’argent. Alors que dans 1 mois, dans 1 an… nous aurions peut-être eu raison… Couper rapidement ses pertes, ça peut aussi amener à la ruine si cela nous arrive trop souvent. Heureusement, quelque chose donne souvent raison aux traders dans le fait de couper leur pertes, c’est la notion d’érosion de l’argent, surtout quand on travaille avec des coefficients multiplicateurs et le fait que, d’une certaine façon, plus on attend, et plus ça nous coute… Comme pour un champ de bataille, la notion de “temps” est importante. Réussir tardivement… c’est peut-être aussi réussir trop tard. A quoi sert la richesse et la reconnaissance, si on n’est plus en mesure d’en profiter ?
Bon, j’ai bien conscience que je vous souffle le tout et son contraire…Quelle chance va avoir quelqu’un qui possède un gros handicap de devenir le meilleur de son domaine ? Prenons le cas de quelqu’un de très laid qui veut devenir mannequin… mais pas le mannequin le plus laid, je veux dire, qu’on finisse par le trouver “le plus beau”… C’est un peu le combat de l’inné et de l’acquis… cela rappelle le film “Bienvenue à Gattaca”. L’un a toutes les cartes en main, mais n’a pas envie… et l’autre n’a que sa volonté… devinez qui part dans l’espace à la fin du film ? Bon, je ne spoile pas. Cela nous amène à une autre réflexion: faut-il apprendre à combler ses lacunes ou est-il préférable de travailler ses compétences innées. Rappelez-vous l’histoire d’Antonio Salieri découvrant l’œuvre de Mozart… l’un des seuls à pouvoir vraiment juger du génie de ce dernier, terrassé par le fait que malgré tous ses efforts… il ne parviendrait jamais à approcher du génie de ce jeune prodige…
Je crois qu’il est important de porter un regard critique sur son travail. Il ne faut pas qu’il soit “bien”… il faut le juger en fonction des meilleurs. Peut-on améliorer son art ? Peut-on apprendre à faire mieux ? Et sinon, n’y a t‑il pas une niche dans laquelle je serai meilleur qu’un autre. Et l’autre est-il meilleur que moi réellement… ou connait-il un succès passager ? Car si on peut répondre au moins oui à l’une de ces questions, alors ça vaut le coup de continuer, mais en essayant constamment de s’améliorer. C’est peut-être pas le bon moment, on n’a peut-être pas encore eu la bonne opportunité. Mais si ce qu’on fait est vraiment bon, alors ça finira par se savoir, même si c’est post-mortem (comme pour Van Gogh qui n’aura vendu qu’une seule toile de son vivant, sur 900 œuvres).
C’est difficile de conseiller quelqu’un qui vient vers vous avec cette question… certains artistes se sont essayés comme musiciens et ont percé dans le cinéma… S’ils avaient poursuivi comme musicien, auraient-ils percé un jour ? Plus vicieux: et si c’est en faisant le tour des castings qu’on les avait remarqués comme musiciens ?
Réussir, c’est avant tout dans sa tête que ça se passe… et si vous pensez cela, vous avez probablement raison. Mais faire ce qu’on aime, aimer ce qu’on produit… c’est dur quand on a du mal à se loger et manger, qu’il faut trouver un travail alimentaire pour continuer à vivre sa passion… et l’absence de reconnaissance sociale, de richesse… c’est aussi une sorte de preuve que son travail n’est pas forcément apprécié par les autres. A un moment, on doute, on se dit qu’on est peut-être pas aussi bon qu’on le pensait… et c’est dur de continuer. Quand j’étais enfant, mon père faisait du dessin et peignait. Je me suis mis à dessiner et assez rapidement, l’élève a dépassé le maitre. Il s’est désintéressé du dessin… Ce qui m’a conduit à ne pas vouloir apprendre la peinture. Doit-on abandonner parce qu’on n’est pas le meilleur ? N’y a t‑il pas de place dans le monde pour les moins bons ? Probablement que si, mais il faut alors accepter de ne ramasser que les miettes. Ou sinon, faire preuve de pugnacité, s’améliorer, et s’orienter dans un domaine moins concurrentiel tels les océans bleus.
Vous auriez aimé que je vous donne une procédure, une règle… une méthode pour déterminer comment savoir quand abandonner… Désolé, je n’en connais pas. Et prenez garde aux vendeurs de méthodes ! c’est facile de conseiller, à posteriori… quand cela a fonctionné ou quand cela a échoué. C’est facile de dire “regardez, cela a marché pour moi alors pourquoi pas vous”. Après, ouvrons le débat… j’ai donné quelques arguments, je suis loin d’avoir épuisé le sujet. Qu’en pensez-vous ? Avez-vous un avis plus tranché sur la question ? Est-ce que le sort de ce cher Van Gogh est souhaitable ? Faut-il persévéré jusqu’à en mourir (c’est ce qui arrive sur un champ de bataille quand on ne fait pas se replier, mais c’est aussi ce qui arrive quand les années défilent… on meurt de vieillesse).